> Verbatim de l'entretien à télécharger ici.
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BULLETIN HORS-SERIE
Voici le verbatim de notre entretien du 11 septembre 2014 avec la nouvelle présidence de Radio France en présence de Mathieu Gallet, PDG et Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes.
Nous commençons l’entretien par notre souhait qu’une charte déontologique voie rapidement le jour à Radio France. Il existe un texte discuté pour la dernière fois par les organisations syndicales, la SDJ et la précédente Présidence le 25 juin 2010.
Mathieu Gallet : C'est
un sujet dont
on a déjà parlé en comité éditorial (qui regroupe les directeurs des 7 chaînes)
sur le fait qu'il n'y a pas de charte déontologique. Quelqu'un nous a donné des
pistes, c'est Anne Sérode, la nouvelle directrice de FIP qui vient de
Radio-Canada, et les Canadiens sont souvent en avance sur ces questions là.
C'est un vrai sujet que je souhaite pouvoir traiter. Le document déjà discuté
peut servir de base de discussion.
La SDJ : Il
faut l'amender car se pose notamment la question du retour des journalistes qui
s'engagent en politique.
MG : C'est
le droit de tout citoyen de pouvoir s'engager. Comment voyez-vous le retour ?
La SDJ : Il y a
des visions rigoristes qui consistent à dire, ce doit être un aller sans
retour. D'autres, plus souples, suggèrent un retour mais dans un autre domaine,
ou à un poste dans
un cadre "éditorialisé". C'est cette deuxième version que suggère la
Société Des Journalistes.
A un moment ou à un autre, sans
agir, cela pose un problème, vis-à-vis des auditeurs, avec le risque d'un
retour de boomerang.
MG : Je
comprends que ça se pose comme un sujet parce que ça n'est pas encadré, parce
qu'il n'y a pas de texte. C'est aussi pour cela qu'on avait parlé de cette idée
de charte déontologique pour que les gens sachent où ils mettent les pieds le
jour où ils ont envie de s'engager.
Nous poursuivons l’entretien sur les projets de fusions de service
notamment les sports et l’enquête.
Frédéric Schlesinger : C'est
un projet que l'on commence à travailler. On se dit que pour être plus
efficace, rassembler en un seul lieu les services des sports à France Info et à
France Inter, ça a un vrai sens. D'autant que vous avez vu que dans le projet
de France Info, le renforcement des sports, notamment à l'antenne, avec une
nouvelle couverture, intégrer les sports comme un pilier important de la marche
future de France Info est une nécessité, on se dit que c'est presque hypocrite
d'avoir cette rédaction des sports baladée entre les chaînes. On pourrait aussi
parler de France Bleu. Qu'on ait une rédaction commune des sports qui œuvre
pour France Info, pour France Bleu (pour France Inter dans ses besoins, ils
sont bien moindres) çà nous a paru une évidence. Et nous nous étions dits avec
Mathieu que nous commencerions une discussion dans les semaines qui viennent
dès le retour de Jacques Vendroux (retour le 15 septembre) pour que tout cela
se prépare, se discute dans le cadre d'un échange et dans le cadre d'une vraie
harmonie.
Il y a aussi le service
investigation. Vous avez vu qu'il a été confié à Matthieu Aron et Jacques Monin
un service qui se traduit déjà sur l'antenne de France Inter par une émission
de 19h à 20h tous les vendredis en lieu et place du "Téléphone
sonne". Je trouve qu'elle est de grande qualité. L'idée était d'aller plus
loin et d'avoir également un site internet sur ces sujets puisque c'était un
projet du Président exprimé au CSA de
renforcer l'investigation. Nous voudrions être ceux qui sortent l'affaire
Bygmalion, par exemple.
Donc un site internet et un
traitement de l'investigation au quotidien sur France Info, un traitement plus
fort, et que la conclusion de ce traitement plus fort adapté au rythme de
France Info, ce soit sur France Inter, dans des formats beaucoup plus longs, le
vendredi soir. Cela nous amènera à une deuxième réflexion.
MG : C’est
vraiment quelque chose qui était vraiment fort dans mon projet. J’étais parti
du constat de me dire aujourd’hui on voit bien les difficultés qu’a la presse
écrite, on sait que le journalisme d’investigation, ça coûte de l’argent parce
qu’il faut des moyens, ça prend du temps.
Donc nous en tant que média
public, il me semble… et puis j’étais inspiré aussi de ce qu’a fait
Radio-Canada (vous allez me dire que je passe trop de temps au Canada) sur une
émission d’investigation qui est très forte chez eux, quand j’ai conçu mon
projet, je voulais qu’on soit présent sur cette thématique à la fois sur
l’enquête « chaude » et puis sur la partie des indiscrets, des scoops,
de l’exclusivité qu’on sort dans un rythme beaucoup plus quotidien. Pour qu’on
soit dans cette bataille là, qui est aujourd’hui une vraie bataille avec
Mediapart, les médias traditionnels de presse écrite et on le voit aussi les
chaînes d’info en continu qui sortent régulièrement des scoops et nous on est
un peu... Au moment où je pensais à çà, on avait sorti l’info sur l’opération
de la prostate qu’avait eu le Président de la République en toute discrétion,
c’est bien mais on pourrait avoir d’autres… voilà, il y avait à mon avis
d’autres éléments donc je trouve qu’on est un peu en retard sur cette
thématique et a fortiori pour un service public qu’il me semble important de ne
pas passer à côté.
La SDJ :
Tout en préservant la spécificité des chaînes ? Poussez-vous la réflexion
à d’autres services ?
FS :
On a à peine commencé à travailler, ça se traduit sur l’antenne de France
Inter. Ne nous voilons pas la face. Tout ce qui est mutualisation est quelque
chose qui doit nous préoccuper, mutualisation intelligente. Certaines
entreprises publiques l’ont réussi, je ne vais pas reparler de Radio-Canada, à
l’heure du « 360 », à l’heure où la télé – vous avez lu sans doute
les dernières études sur le fait que la télévision d’info notamment grignote
l’audience de la radio sur le pilier central qui est le prime-time du matin –
ce sont des questions qu’on ne peut pas ne pas se poser. Le corollaire à ces
questions est ce que vous venez de dire, c'est-à-dire la préservation absolue
de l’identité de chaque chaîne et la complémentarité, c’est ce qui fait notre
force.
La SDJ : Sur
l’organisation, vous dites mutualisation, est-ce que ça va jusqu’à la fusion interservices
entre les chaines ?
FS :
C’est trop tôt pour que je vous réponde de manière claire, c’est un projet
qu’on n’a pas commencé à travailler, qu’on va travailler avec les patrons des
chaînes, les patrons des rédactions avec Laurent Guimier, avec Jean-Marc Four,
on va avancer pas à pas, on va tout peser et on reviendra vers vous avec quelque
chose de cohérent. Mais pour qu’il n’y ait aucune hypocrisie de notre part, je
vous dis, oui ce sont des sujets qui nous préoccupent, à l’heure de très fortes
tensions budgétaires…
MG :
…et de la concurrence…
FS : …ce
monde médiatique qui se réorganise complètement, ce sont des questions qu’on ne
peut pas ne pas se poser, ça ne s’applique bien évidemment pas à tout, mais il
y a vraisemblablement des secteurs qu’on peut mutualiser pas pour être moins
forts, mais pour être plus forts. Sur la politique, l’économie, y’a pas de
réflexions. Peut-être une réflexion sur la culture entre Info et Inter...
La SDJ : En
respectant le travail de chaque chaîne ?
MG :
Oui parce que ça ne répond pas à la même attente. Sinon il y aurait une chaîne
en trop… Je pense qu’on ne s’est pas suffisamment posé la question à Radio
France, pourquoi on a sept chaînes ? Sans se reposer la question,
qu’est-ce qu’on en fait ? Comment on les spécifie ? Comment on fait
de cette complémentarité une force que les autres groupes n’ont pas ? On
pense ce bouquet. Et c’est notre différence – une de nos différences – c’est
qu’on est capable avec ce bouquet de sept chaînes d’avoir des traitements complémentaires
des différentes thématiques pour toucher un public le plus large possible. On
est un service public donc on doit être capable de s’adresser à un public le
plus large possible. Et donc nos chaînes doivent permettre de cibler, c’est
pour cela qu’il faut un peu de marketing, et c’est une force d’avoir ces sept
chaînes.
La SDJ :
sans risque d’uniformisation ?
MG : Non,
surtout pas, sinon ce n’est pas mutualiser, il faut fermer, à un moment, il
faut fermer, ça coûte cher d’avoir sept canaux et 2300 fréquences, moi ce n’est
pas mon projet. Certaines personnes me disent de fermer Le Mouv’, de faire des
économies, moi j’y crois ! Je pense qu’on raterait notre cible si on se
disait, finalement, le service public c’est bien à partir de 50 ans. Je n’ai
pas choisi la facilité. Avec Le Mouv’, on fait un gros travail pour relancer,
Bruno Laforesterie, le nouveau directeur du Mouv’ fait un gros boulot, c’est
vrai que si dans 3-4 ans, ça ne marche pas, faudra se reposer la question.
Aujourd’hui, je me dis on a vraiment de la chance d’avoir ces sept antennes,
cette richesse, tous ces journalistes, ce réseau national et ce réseau local,
France Bleu, c’est une force. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne va pas avoir comme
Radio France a connu depuis très longtemps, les mêmes moyens dans les années à
venir. Vous êtes journalistes, on vit tous dans le monde qu’on connaît, donc
nous aussi on va avoir nos contraintes budgétaires. Et en revanche, je pense
qu’on a un besoin fort d’être plus dans le coup par rapport à ce que tous les
autres médias sont en train de faire. Je peste régulièrement contre les applis,
et je pense que vous aussi ; sur les sites internet, c’est un peu trop
tard, je pense qu’on a loupé le coche, aujourd’hui, pour aller s’informer, qui
va sur les sites de Radio France pour aller trouver une info, c’est terrible à
dire, mais je pense que le réflexe, pas grand monde ne l’a. Avec France Info,
je pense que le travail que Laurent Guimier et les équipes font, on peut
revenir sur ce réflexe d’Info. On peut revenir dans le coup mais on a perdu
beaucoup de temps. Sur la vidéo, c’est pareil. On est dans une société de
l’image aujourd’hui, et je suis venu à Radio France, je n’ai pas candidaté à
France Télévisions donc je ne viens pas pour faire de Radio France des chaînes
de télé mais si on n’est pas dans la vidéo, honnêtement, on est en dehors du jeu.
Donc soit on se dit on est en dehors du jeu et un de mes successeurs aura un
jour à prendre des décisions très radicales, moi je dis non, on a vraiment des
atouts, des avantages, et vous la force des rédactions en est un, après il faut
qu’on se donne tous les moyens pour pouvoir utiliser tous les nouveaux
supports, les technologies et donner la pleine mesure de tout ce qu’on est
capable de proposer et de l’inventer avec les directeurs de chaînes, avec les
directeurs de rédactions. On a une première réunion dans une ou deux semaines
pour voir comment on s’organise pour être plus pertinents.
La SDJ :
est-ce qu’au stade actuel de la réflexion, l’idée c’est qu’il y ait des
personnes détachées dans chaque rédaction ou un pôle transversal qui nourrirait
avec des formats adaptés chaque rédaction ? Et puis est-ce que dans votre esprit
« enquête » ça veut dire politique / justice ou aussi
environnemental, etc. ?
MG :
Je ne vois pas l’un contre l’autre. On peut avoir un pool, un socle d’une
équipe dédiée à l’investigation et qui sera transversale, et des correspondants
qui viennent alimenter. Je pense que les deux logiques ne s’opposent pas. Des
collaborateurs qui viennent parce que vous avez vos spécificités et il y a des
talents dans les différentes chaînes qui peuvent selon la thématique… et sur la
thématique, je pense que l’investigation, elle est doit être aussi économique
et je trouve qu’on ne fait pas assez d’économie dans cette boîte. Je donne un
exemple qui m’a marqué. Je me rappelle très bien de l’époque où Le Monde
s’était mis sur l’investigation économique. Il y avait une journaliste que l’on
redoutait beaucoup qui s’appelait Martine Orange, moi à l’époque, j’étais chez
Canal+, je veux dire quand vous avez trois Une dans l’année sur Vivendi, ça
c’est vraiment de l’investigation.
Alors je dis « c’est mon nid
à emmerdes pour les cinq prochaines années », mais vous faites votre
boulot et moi je fais le mien, notre avantage c’est que la pub et les
annonceurs chez nous, ils sont peu présents donc la pression économique ne se
fait pas de la même façon qu’un gros annonceur du luxe qui dira je retire
toutes mes pubs de votre canard pendant six mois.
Mon idée, c’est vraiment
l’investigation au sens très large.
La SDJ :
l’investigation, par rapport aux contraintes budgétaires, quels choix
allez-vous faire pour donner des marges de manœuvres pour faire ce
travail ?
FS :
On ne parle pas du tout de fusion, mais d’une mutualisation qui est en soi une
source d’économies. Pour fonder un service investigation, si on continue de
fonctionner comme aujourd’hui, on aurait besoin de nouvelles ressources et on
ne pourra pas. Donc la mutualisation est – on est au tout début du projet - une
éventuelle solution pour utiliser mieux les moyens qu’on a aujourd’hui. Je ne
vous explique pas, dans la globalité de l’entreprise, le nombre de doublons sur
certaines fonctions ou de ressources formidables qui sont mal utilisées. (…) On
ne bosse pas ensemble, on se bat entre nous. Et on a face à nous des radios
« isolées » et nous on ne se sert pas de la puissance de nos sept
chaînes pour les prendre dans un étau, pour être dans la stratégie, une
stratégie de conquête bien rodée, donc il faut développer l’identité de chacun,
c’est ce qu’on est en train de faire, et dans le même temps, apprendre à mieux
travailler ensemble, en gardant des zones de concurrence, il en faut aussi.
La SDJ :
les exclus, elles seront Radio France, ou France Inter ou France Info… ?
MG :
Sur l’info, à partir du moment où elle est vérifiée, au fond… c’est le premier
qui l’a, qui la sort. Et puis les trucs « Radio France », honnêtement
« vous écoutez Radio France » moi je n’y adhère pas du tout. Mon
projet, c’est de renforcer et derrière d’avoir la communication qui va
bien. Le niveau de granularité pour moi, c’est l’identité de la chaîne puis
l’identité de l’émission, du carrefour et puis qui anime, qui porte. Radio
France, on n’écoute pas Radio France, on écoute France Info, France Bleu,
France Inter, mais moi je n’écoute pas Radio France même si j’écoute in fine
beaucoup de chaînes de Radio France depuis longtemps. Pour moi, le sujet n’est
pas là.
La discussion se poursuit sur le web.
La SDJ : Qu’en
est-il du projet de fusion avec les sites de France Télévisions comme évoqué
par le Président de la République, François Hollande ?
MG :
Vous avez vu ce que j’ai répondu, avant d’imaginer de faire des châteaux en
Espagne, déjà si on avait nos plateformes techniques qui nous permettent
d’enrichir nos offres les uns, les autres. On a fait un travail avec l’INA. On
a vu qu’avec eux, on pouvait le faire, il y a une convention qui nous lie. On
peut enrichir nos sites avec les vidéos de l’INA. Aujourd’hui, qu’est-ce qui
nous empêcherait de pouvoir faire la même chose avec France Télévisions et avec
France Médias Monde. Il y a une réunion qui va être menée entre les directeurs
techniques pour pouvoir avancer sur ces projets là, rendre les plateformes
interopérables. Et quand je vais voir la Ministre, je vais lui redire, avant
d’imaginer des gros projets ensemble, voyons voir ce qu’on est capable de faire
pour enrichir les services des uns et des autres par les productions des uns et
des autres, parce que moi honnêtement, les gros machins formidables ou en plus
on imaginerait qu’on ferait des économies, en France, les fusions où on fait
des économies, il n’y en a pas eu beaucoup.
La SDJ :
Joël Ronez est parti, la stratégie numérique va-t-elle changer, est-ce qu’on va
continuer à développer et investir dans nos sites ?
MG :
Je cherche un remplaçant ou une remplaçante à la DNM. On était vraiment à la
bourre. La DNM a fait un gros travail de rattrapage. Tout n’est pas formidable,
loin s’en faut. Je souhaite qu’aujourd’hui les projets numériques soient portés
par les patrons de chaînes. Dans ces dirigeants, j’ai fait un certain nombre de
choix parce qu’ils avaient aussi ce tropisme, ces capacités, je pense à Claude
Esclatine à France Bleu que j’avais connu quand il était Président d’AlloCiné,
pour moi, la question est celle de la stratégie de distribution numérique.
Comment on distribue nos contenus en utilisant ces différents canaux de façon
la plus large possible pour toucher le public ? Le produit éditorial doit
être pensé en fonction de ces possibilités, c’est pour cela que le numérique
doit être pensé au niveau des chaînes.
La DNM va penser innovation,
faire des études, sur les nouveaux usages pour nous amener à nous positionner.
Une DNM davantage tournée vers le développement informatique que le
développement éditorial.
La SDJ :
Pour le site (les sites) de France Bleu, on n’est pas dans la même situation
concurrentielle, il y a un potentiel de développement énorme ? Il n’y a
pas de cadre pour les rédactions, une technique déplorable, comment
fait-on ?
FS :
Que des bonnes questions ! A la fin du mois de septembre, on va ouvrir
avec Claude Esclatine et une équipe resserrée une phase de réflexion sur France
Bleu et ces aspects, jusqu’à la fin du mois de décembre. On pourra vous
présenter une stratégie travaillée, élaborée.
MG :
Pour France Bleu, on peut imaginer un site de services qui n’est pas le même
que celui de France Inter parce qu’on est dans la proximité. Il faudra
mobiliser le plus de moyens possibles pour la mobilité. La radio était le
premier média mobile. Aujourd’hui, tous les médias sont mobiles grâce aux
smartphones. Mais il ne faut pas qu’on perde cet avantage là et qu’on
enrichisse notre offre en mobilité. Et ça ne peut pas être que du podcast et de
l’écoute en live. Et pour France Bleu, il y a forcément la question de la géolocalisation
qui se pose pour tout un tas de services de proximité. On a déjà pris du
retard. Quand j’ai écrit mon projet, je me suis dit mais pourquoi on ne
positionnerait pas France Bleu fortement sur le covoiturage, le temps qu’on y
arrive, vous avez déjà des pure players, vous avez la SNCF qui essaie de se
mettre là-dessus. On aurait pu développer une « mini-app » sur les 44
France Bleu sur le covoiturage, on avait un truc génial.
La SDJ :
Comment faire tout cela à effectif constant ?
MG :
Moi, ce qui est sûr, c’est que les effectifs, je ne les attrape pas dans les
arbres.
FS : Les
forces éditoriales rejoignent les chaînes. Après : par quoi on veut
enrichir ? Avant de se mettre des objectifs avec la barre très haute de
production éditoriale avec des moyens qu’on n’a pas, il faut savoir où on met
le curseur, entre cet enrichissement éditorial et entre ce qui fonctionne le
mieux, c'est-à-dire le podcast et la création de vidéos, tout ça c’est
possible. Donc il n’est pas question de doubler votre charge de travail en vous
disant maintenant il va falloir un site extrêmement écrit, ce n’est pas le
sujet. C’est savoir quel est notre capacité à produire, notre potentiel,
comment l’utilliser au mieux et le traduire au mieux dans cette démarche
numérique qui va devenir beaucoup plus vidéo et là il n’y a pas un travail de
réécriture spécifique.
MG :
Cette question va nous permettre d’élargir notre public, de rajeunir notre
public. Cela passe par là. On a eu une étude lundi en comité de direction sur
les 12 dernières années (2002-2014). La population française vieillit. Le média
Radio a vieilli davantage que la population. Et Radio France encore plus. Pour
une raison simple aussi, c’est qu’on n’a pas de chaîne musicale jeune (Skyrock,
Fun…). Et mon projet pour Le Mouv’ ce n’est pas d’en faire çà. C’est un enjeu
pour nous. Quand vous voyez que l’âge médian à France Musique est de 68 ans,
sur Inter autour de 56/57, ça doit tous nous interpeller.
Nous avons ensuite rappelé notre souhait d’un encadrement de la
publicité sur nos sites internet.
La SDJ :
La règle qui vaut pour le « broadcast » est peut-être un peu
exigeante mais il n’existe aucune régulation pour ce qui apparaît sur nos sites
internet. Que pensez-vous d’un monde sans règles ?
MG :
Si c’est pour me dire un monde sans pub, oubliez !
La SDJ : on
trouve que parfois ça envahit nos sites qui sont le support de notre production
éditoriale.
MG :
Il n’y a pas de « pre-roll ». Il ne faut pas non plus s’en interdire.
FS :
Le développement de nos ressources propres est capable.
MG :
Franchement, il faut que tous on soit bien conscients, on ne va pas avoir de
l’argent comme on en a eu pendant trente ou quarante ans.
La SDJ : De
nouvelles ressources, mais encadrées proprement ?
MG :
On ne va pas faire de la pub pour Gazprom, non plus… Mais on ne va pas pouvoir
se passer d’aller chercher des ressources par nous-mêmes, mais ça ne veut pas
dire, vendre notre âme au diable. Autre sujet.
Nous ne serons pas entendus.
Nous choisissons de faire un focus sur France Bleu et ces rappels
de titres toutes les 10 minutes en matinales qui sèment la pagaille dans
l’organisation des rédactions avec souvent comme conséquence moins de reporters
sur le terrain.
FS :
Il y a plusieurs cas. Il y a les grandes villes où tout cela s’applique assez
facilement et puis il y a les villes moyennes ou des villes petites où c’est
beaucoup plus complexe. Je crois que Claude Esclatine a mis beaucoup plus de
souplesse dans le discours qui jusque là était un peu catégorique. Ces rappels
de titres peuvent être autre chose que des rappels de titres. Ensuite il est
évident que l’actualité dans une grande ville et dans une petite ville, ça ne
se renouvelle pas au même rythme. Je vous parlais tout à l’heure de ce travail
que nous allons mener d’ici la fin de l’année avec les équipes dirigeantes de
France Bleu pour réaborder tous ces sujets. Comment on peut évoluer là aussi à
moyens constants parce que malheureusement c’est une contrainte qu’on a
absolument. Les conclusions de ces travaux, on vous les donnera à la fin de
l’année. On est sensible à ce sujet et à son corollaire, on demande en parallèle
de développer le web toujours avec les mêmes moyens. Il y a un travail
d’organisation.
MG : …
et un peu fin. Parce qu’effectivement, entre France Bleu Périgord où j’étais il
n’y a pas si longtemps et France Bleu à Montpellier, il n’y a pas le même
rythme d’actualité.
La SDJ :
Oui, il n’y a pas besoin d’une telle densité de rendez-vous d’infos.
MG :
c’est vrai, même d’un point de vue éditorial, ça se discute.
FS :
On sait, on va travailler cela. Claude Esclatine a déjà visité trente France
Bleu. Mathieu et moi avons été à Bordeaux, on a vu l’exemplarité d’une matinale
formidable. Ce principe conçu par Claude Perrier, ça peut marcher très bien.
Après une application monolithique et c’est comme çà partout, non, c’est
complexe.
MG :
Oui, il y a des réalités qui sont très différentes.
FS : On
veut travailler et revenir vers vous avec quelque chose de concret à dire, avec
des propositions, pour que ça évolue et qu’on puisse avoir une politique
adaptative suivant les réalités locales ou régionales.
La SDJ : Quid du
maillage territorial ?
FS : Les
questions des micro-locales, des BRI (Bureaux Régionaux d’Information), des
Reporters En Résidence, on va aborder tout ça avant la fin de l’année. Mais on
peut déjà vous dire les BRI, ce n’est pas satisfaisant. Il va falloir
travailler le dossier et avoir le courage de dire « Stop ». Il faut
un vrai plan, on ne peut pas dire, on arrête et c’est ce plan qu’on va
travailler d’ici la fin de l’année.
MG :
il y a le cas de Lyon qui est très complexe pour des contraintes de fréquences.
Il y a le cas de la région Midi-Pyrénées où en dehors de Toulouse, c’est le
désert français. Il y a là un travail de service public.
Nous souhaitons évoquer Le Mouv’ dont on attend le nouveau projet
pour janvier 2015. Quid en matière d’info sur cette chaîne.
MG :
Le Mouv’ doit redevenir une chaîne majoritairement musicale. Le « France
Inter du jeune » voire « du djeun’s » je n’y crois pas. France
Inter doit arriver à parler aux jeunes, je crois que c’est çà le sujet. Mais Le
Mouv’ n’a jamais aussi bien marché que quand il était une radio à dominante
musicale avec sa spécificité. Je dis, on ne va pas faire ce que le secteur
privé commercial fait. Ces dernières années, il y a eu une errance. Quand vous
regardez Le Mouv’, plus on a mis de moyens dedans, plus l’audience s’est
effondrée. Donc Bruno Laforesterie travaille pour la fin de l’année sur une
refonte complète du Mouv’ et sur les moments-clé de la journée (matin et fin de
journée), c’est là plutôt que les forces de la rédaction seront utilisées.
Comment on apporte un regard sur l’actualité qui est différent sinon il vaut
mieux prendre des flashs faits par d’autres. Moi, je veux une radio qui
correspond aux cultures urbaines. On a fait beaucoup d’études. Frédéric
Schlesinger y a contribué. Bruno Laforesterie nous a remis un premier rapport
que je trouve vraiment très convaincant.
FS :
L’info traditionnelle telle qu’elle peut exister avec le flash à l’heure, etc.
ce n’est plus comme cela qu’elle sera pensée. La rédaction aura un rôle à part
entière au moment des prime-time, avec vraisemblablement des petits rappels de
titres. La rédaction aura une vraie importance. Dans les projets avancés
aujourd’hui, il n’y a pas de disparition de la rédaction de quelque façon que
ce soit. On ne va pas demander à la rédaction d’aller faire des libre-antennes.
Mais plutôt d’aller faire du reportage. C’est une forme que Bruno Laforesterie est
en train d’aboutir. Mais la rédaction sera totalement importante. A une autre
époque, il y avait de l’info différemment que sur les autres radios musicales
ou radios généralistes, à une époque où Le Mouv’ fonctionnait bien, je pense
notamment à ce « Buzz’ du Mouv’ » qui durait 40 minutes à 13h,
on ne va pas du tout refaire çà, mais on va trouver une inscription de
l’information dans ce nouveau projet mais l’information aura néanmoins de
l’importance bien évidemment. Il n’y a pas de suppression de la rédaction du
Mouv’, pas de fantasmes autour de çà ! En 10 ans, les fréquences ont été
multipliées par 2, le budget a été multiplié par 2, les audiences ont été
divisées par 2 ou par 3 ! Ce que Mathieu Gallet a demandé à Bruno
Laforesterie d’inventer, c’est un objet radiophonique original, disruptif,
différent…
MG : …
mais qui touche une cible, et la cible est en complémentarité des autres
antennes de Radio France.
FS :
13-34 ans, la cible. La difficulté étant de mêler ces deux générations mais on
pense savoir comment faire. Et Bruno Laforesterie avec la radio Générations est
quand même un spécialiste de ce type de démarche. C’est bien ce qui se passe
pour Le Mouv’. N’importe qui aurait fermé Le Mouv’. N’importe quel raisonnement
rationnel, on dit Stop, ça coûte cher.
MG :
16 millions d’euros.
FS :
Et ça ne touche personne.
L’entretien se termine. Nous ajoutons un dernier mot pour les
journalistes précaires « mal traités ». Nous relayons l’une de leurs
préoccupations : une meilleure gestion du « planning » avec deux
personnes au lieu d’une pour gérer plus d’une centaine de carrières et éviter
l’arbitraire. Nous disons que cette personne ne convient pas ou ne suffit pas.
Mathieu Gallet et Frédéric Schlesinger prennent note. Nous espérons, pour nos confrères, que le message est passé.
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