vendredi 12 septembre 2014

Bulletin hors-série - Entretien avec la nouvelle présidence de Radio France

Pour la rentrée, la SDJ Radio France a rencontré le président Mathieu Gallet.

> Verbatim de l'entretien à télécharger ici.


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BULLETIN HORS-SERIE


Voici le verbatim de notre entretien du 11 septembre 2014 avec la nouvelle présidence de Radio France en présence de Mathieu Gallet, PDG et Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes.


Nous commençons l’entretien par notre souhait qu’une charte déontologique voie rapidement le jour à Radio France. Il existe un texte discuté pour la dernière fois par les organisations syndicales, la SDJ et la précédente Présidence le 25 juin 2010
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Mathieu Gallet : C'est un sujet dont on a déjà parlé en comité éditorial (qui regroupe les directeurs des 7 chaînes) sur le fait qu'il n'y a pas de charte déontologique. Quelqu'un nous a donné des pistes, c'est Anne Sérode, la nouvelle directrice de FIP qui vient de Radio-Canada, et les Canadiens sont souvent en avance sur ces questions là. C'est un vrai sujet que je souhaite pouvoir traiter. Le document déjà discuté peut servir de base de discussion.

La SDJ : Il faut l'amender car se pose notamment la question du retour des journalistes qui s'engagent en politique.

MG : C'est le droit de tout citoyen de pouvoir s'engager. Comment voyez-vous le retour ?

La SDJ : Il y a des visions rigoristes qui consistent à dire, ce doit être un aller sans retour. D'autres, plus souples, suggèrent un retour mais dans un autre domaine, ou à un poste dans un cadre "éditorialisé". C'est cette deuxième version que suggère la Société Des Journalistes.
A un moment ou à un autre, sans agir, cela pose un problème, vis-à-vis des auditeurs, avec le risque d'un retour de boomerang.

MG : Je comprends que ça se pose comme un sujet parce que ça n'est pas encadré, parce qu'il n'y a pas de texte. C'est aussi pour cela qu'on avait parlé de cette idée de charte déontologique pour que les gens sachent où ils mettent les pieds le jour où ils ont envie de s'engager.

Nous poursuivons l’entretien sur les projets de fusions de service notamment les sports et l’enquête.

Frédéric Schlesinger : C'est un projet que l'on commence à travailler. On se dit que pour être plus efficace, rassembler en un seul lieu les services des sports à France Info et à France Inter, ça a un vrai sens. D'autant que vous avez vu que dans le projet de France Info, le renforcement des sports, notamment à l'antenne, avec une nouvelle couverture, intégrer les sports comme un pilier important de la marche future de France Info est une nécessité, on se dit que c'est presque hypocrite d'avoir cette rédaction des sports baladée entre les chaînes. On pourrait aussi parler de France Bleu. Qu'on ait une rédaction commune des sports qui œuvre pour France Info, pour France Bleu (pour France Inter dans ses besoins, ils sont bien moindres) çà nous a paru une évidence. Et nous nous étions dits avec Mathieu que nous commencerions une discussion dans les semaines qui viennent dès le retour de Jacques Vendroux (retour le 15 septembre) pour que tout cela se prépare, se discute dans le cadre d'un échange et dans le cadre d'une vraie harmonie.

Il y a aussi le service investigation. Vous avez vu qu'il a été confié à Matthieu Aron et Jacques Monin un service qui se traduit déjà sur l'antenne de France Inter par une émission de 19h à 20h tous les vendredis en lieu et place du "Téléphone sonne". Je trouve qu'elle est de grande qualité. L'idée était d'aller plus loin et d'avoir également un site internet sur ces sujets puisque c'était un projet du Président exprimé au CSA de renforcer l'investigation. Nous voudrions être ceux qui sortent l'affaire Bygmalion, par exemple.
Donc un site internet et un traitement de l'investigation au quotidien sur France Info, un traitement plus fort, et que la conclusion de ce traitement plus fort adapté au rythme de France Info, ce soit sur France Inter, dans des formats beaucoup plus longs, le vendredi soir. Cela nous amènera à une deuxième réflexion.

MG : C’est vraiment quelque chose qui était vraiment fort dans mon projet. J’étais parti du constat de me dire aujourd’hui on voit bien les difficultés qu’a la presse écrite, on sait que le journalisme d’investigation, ça coûte de l’argent parce qu’il faut des moyens, ça prend du temps.
Donc nous en tant que média public, il me semble… et puis j’étais inspiré aussi de ce qu’a fait Radio-Canada (vous allez me dire que je passe trop de temps au Canada) sur une émission d’investigation qui est très forte chez eux, quand j’ai conçu mon projet, je voulais qu’on soit présent sur cette thématique à la fois sur l’enquête « chaude » et puis sur la partie des indiscrets, des scoops, de l’exclusivité qu’on sort dans un rythme beaucoup plus quotidien. Pour qu’on soit dans cette bataille là, qui est aujourd’hui une vraie bataille avec Mediapart, les médias traditionnels de presse écrite et on le voit aussi les chaînes d’info en continu qui sortent régulièrement des scoops et nous on est un peu... Au moment où je pensais à çà, on avait sorti l’info sur l’opération de la prostate qu’avait eu le Président de la République en toute discrétion, c’est bien mais on pourrait avoir d’autres… voilà, il y avait à mon avis d’autres éléments donc je trouve qu’on est un peu en retard sur cette thématique et a fortiori pour un service public qu’il me semble important de ne pas passer à côté.

La SDJ : Tout en préservant la spécificité des chaînes ? Poussez-vous la réflexion à d’autres services ?

FS : On a à peine commencé à travailler, ça se traduit sur l’antenne de France Inter. Ne nous voilons pas la face. Tout ce qui est mutualisation est quelque chose qui doit nous préoccuper, mutualisation intelligente. Certaines entreprises publiques l’ont réussi, je ne vais pas reparler de Radio-Canada, à l’heure du « 360 », à l’heure où la télé – vous avez lu sans doute les dernières études sur le fait que la télévision d’info notamment grignote l’audience de la radio sur le pilier central qui est le prime-time du matin – ce sont des questions qu’on ne peut pas ne pas se poser. Le corollaire à ces questions est ce que vous venez de dire, c'est-à-dire la préservation absolue de l’identité de chaque chaîne et la complémentarité, c’est ce qui fait notre force.

La SDJ : Sur l’organisation, vous dites mutualisation, est-ce que ça va jusqu’à la fusion interservices entre les chaines ?

FS : C’est trop tôt pour que je vous réponde de manière claire, c’est un projet qu’on n’a pas commencé à travailler, qu’on va travailler avec les patrons des chaînes, les patrons des rédactions avec Laurent Guimier, avec Jean-Marc Four, on va avancer pas à pas, on va tout peser et on reviendra vers vous avec quelque chose de cohérent. Mais pour qu’il n’y ait aucune hypocrisie de notre part, je vous dis, oui ce sont des sujets qui nous préoccupent, à l’heure de très fortes tensions budgétaires…

MG : …et de la concurrence…

FS : …ce monde médiatique qui se réorganise complètement, ce sont des questions qu’on ne peut pas ne pas se poser, ça ne s’applique bien évidemment pas à tout, mais il y a vraisemblablement des secteurs qu’on peut mutualiser pas pour être moins forts, mais pour être plus forts. Sur la politique, l’économie, y’a pas de réflexions. Peut-être une réflexion sur la culture entre Info et Inter... 

La SDJ : En respectant le travail de chaque chaîne ?

MG : Oui parce que ça ne répond pas à la même attente. Sinon il y aurait une chaîne en trop… Je pense qu’on ne s’est pas suffisamment posé la question à Radio France, pourquoi on a sept chaînes ? Sans se reposer la question, qu’est-ce qu’on en fait ? Comment on les spécifie ? Comment on fait de cette complémentarité une force que les autres groupes n’ont pas ? On pense ce bouquet. Et c’est notre différence – une de nos différences – c’est qu’on est capable avec ce bouquet de sept chaînes d’avoir des traitements complémentaires des différentes thématiques pour toucher un public le plus large possible. On est un service public donc on doit être capable de s’adresser à un public le plus large possible. Et donc nos chaînes doivent permettre de cibler, c’est pour cela qu’il faut un peu de marketing, et c’est une force d’avoir ces sept chaînes.

La SDJ : sans risque d’uniformisation ?

MG : Non, surtout pas, sinon ce n’est pas mutualiser, il faut fermer, à un moment, il faut fermer, ça coûte cher d’avoir sept canaux et 2300 fréquences, moi ce n’est pas mon projet. Certaines personnes me disent de fermer Le Mouv’, de faire des économies, moi j’y crois ! Je pense qu’on raterait notre cible si on se disait, finalement, le service public c’est bien à partir de 50 ans. Je n’ai pas choisi la facilité. Avec Le Mouv’, on fait un gros travail pour relancer, Bruno Laforesterie, le nouveau directeur du Mouv’ fait un gros boulot, c’est vrai que si dans 3-4 ans, ça ne marche pas, faudra se reposer la question. Aujourd’hui, je me dis on a vraiment de la chance d’avoir ces sept antennes, cette richesse, tous ces journalistes, ce réseau national et ce réseau local, France Bleu, c’est une force. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne va pas avoir comme Radio France a connu depuis très longtemps, les mêmes moyens dans les années à venir. Vous êtes journalistes, on vit tous dans le monde qu’on connaît, donc nous aussi on va avoir nos contraintes budgétaires. Et en revanche, je pense qu’on a un besoin fort d’être plus dans le coup par rapport à ce que tous les autres médias sont en train de faire. Je peste régulièrement contre les applis, et je pense que vous aussi ; sur les sites internet, c’est un peu trop tard, je pense qu’on a loupé le coche, aujourd’hui, pour aller s’informer, qui va sur les sites de Radio France pour aller trouver une info, c’est terrible à dire, mais je pense que le réflexe, pas grand monde ne l’a. Avec France Info, je pense que le travail que Laurent Guimier et les équipes font, on peut revenir sur ce réflexe d’Info. On peut revenir dans le coup mais on a perdu beaucoup de temps. Sur la vidéo, c’est pareil. On est dans une société de l’image aujourd’hui, et je suis venu à Radio France, je n’ai pas candidaté à France Télévisions donc je ne viens pas pour faire de Radio France des chaînes de télé mais si on n’est pas dans la vidéo, honnêtement, on est en dehors du jeu. Donc soit on se dit on est en dehors du jeu et un de mes successeurs aura un jour à prendre des décisions très radicales, moi je dis non, on a vraiment des atouts, des avantages, et vous la force des rédactions en est un, après il faut qu’on se donne tous les moyens pour pouvoir utiliser tous les nouveaux supports, les technologies et donner la pleine mesure de tout ce qu’on est capable de proposer et de l’inventer avec les directeurs de chaînes, avec les directeurs de rédactions. On a une première réunion dans une ou deux semaines pour voir comment on s’organise pour être plus pertinents.

La SDJ : est-ce qu’au stade actuel de la réflexion, l’idée c’est qu’il y ait des personnes détachées dans chaque rédaction ou un pôle transversal qui nourrirait avec des formats adaptés chaque rédaction ? Et puis est-ce que dans votre esprit « enquête » ça veut dire politique / justice ou aussi environnemental, etc. ?

MG : Je ne vois pas l’un contre l’autre. On peut avoir un pool, un socle d’une équipe dédiée à l’investigation et qui sera transversale, et des correspondants qui viennent alimenter. Je pense que les deux logiques ne s’opposent pas. Des collaborateurs qui viennent parce que vous avez vos spécificités et il y a des talents dans les différentes chaînes qui peuvent selon la thématique… et sur la thématique, je pense que l’investigation, elle est doit être aussi économique et je trouve qu’on ne fait pas assez d’économie dans cette boîte. Je donne un exemple qui m’a marqué. Je me rappelle très bien de l’époque où Le Monde s’était mis sur l’investigation économique. Il y avait une journaliste que l’on redoutait beaucoup qui s’appelait Martine Orange, moi à l’époque, j’étais chez Canal+, je veux dire quand vous avez trois Une dans l’année sur Vivendi, ça c’est vraiment de l’investigation.
Alors je dis « c’est mon nid à emmerdes pour les cinq prochaines années », mais vous faites votre boulot et moi je fais le mien, notre avantage c’est que la pub et les annonceurs chez nous, ils sont peu présents donc la pression économique ne se fait pas de la même façon qu’un gros annonceur du luxe qui dira je retire toutes mes pubs de votre canard pendant six mois.
Mon idée, c’est vraiment l’investigation au sens très large.

La SDJ : l’investigation, par rapport aux contraintes budgétaires, quels choix allez-vous faire pour donner des marges de manœuvres pour faire ce travail ?

FS : On ne parle pas du tout de fusion, mais d’une mutualisation qui est en soi une source d’économies. Pour fonder un service investigation, si on continue de fonctionner comme aujourd’hui, on aurait besoin de nouvelles ressources et on ne pourra pas. Donc la mutualisation est – on est au tout début du projet - une éventuelle solution pour utiliser mieux les moyens qu’on a aujourd’hui. Je ne vous explique pas, dans la globalité de l’entreprise, le nombre de doublons sur certaines fonctions ou de ressources formidables qui sont mal utilisées. (…) On ne bosse pas ensemble, on se bat entre nous. Et on a face à nous des radios « isolées » et nous on ne se sert pas de la puissance de nos sept chaînes pour les prendre dans un étau, pour être dans la stratégie, une stratégie de conquête bien rodée, donc il faut développer l’identité de chacun, c’est ce qu’on est en train de faire, et dans le même temps, apprendre à mieux travailler ensemble, en gardant des zones de concurrence, il en faut aussi.

La SDJ : les exclus, elles seront Radio France, ou France Inter ou France Info… ?

MG : Sur l’info, à partir du moment où elle est vérifiée, au fond… c’est le premier qui l’a, qui la sort. Et puis les trucs « Radio France », honnêtement « vous écoutez Radio France » moi je n’y adhère pas du tout. Mon projet, c’est de renforcer et derrière d’avoir la communication qui va bien. Le niveau de granularité pour moi, c’est l’identité de la chaîne puis l’identité de l’émission, du carrefour et puis qui anime, qui porte. Radio France, on n’écoute pas Radio France, on écoute France Info, France Bleu, France Inter, mais moi je n’écoute pas Radio France même si j’écoute in fine beaucoup de chaînes de Radio France depuis longtemps. Pour moi, le sujet n’est pas là.

La discussion se poursuit sur le web.

La SDJ : Qu’en est-il du projet de fusion avec les sites de France Télévisions comme évoqué par le Président de la République, François Hollande ?

MG : Vous avez vu ce que j’ai répondu, avant d’imaginer de faire des châteaux en Espagne, déjà si on avait nos plateformes techniques qui nous permettent d’enrichir nos offres les uns, les autres. On a fait un travail avec l’INA. On a vu qu’avec eux, on pouvait le faire, il y a une convention qui nous lie. On peut enrichir nos sites avec les vidéos de l’INA. Aujourd’hui, qu’est-ce qui nous empêcherait de pouvoir faire la même chose avec France Télévisions et avec France Médias Monde. Il y a une réunion qui va être menée entre les directeurs techniques pour pouvoir avancer sur ces projets là, rendre les plateformes interopérables. Et quand je vais voir la Ministre, je vais lui redire, avant d’imaginer des gros projets ensemble, voyons voir ce qu’on est capable de faire pour enrichir les services des uns et des autres par les productions des uns et des autres, parce que moi honnêtement, les gros machins formidables ou en plus on imaginerait qu’on ferait des économies, en France, les fusions où on fait des économies, il n’y en a pas eu beaucoup.

La SDJ : Joël Ronez est parti, la stratégie numérique va-t-elle changer, est-ce qu’on va continuer à développer et investir dans nos sites ?

MG : Je cherche un remplaçant ou une remplaçante à la DNM. On était vraiment à la bourre. La DNM a fait un gros travail de rattrapage. Tout n’est pas formidable, loin s’en faut. Je souhaite qu’aujourd’hui les projets numériques soient portés par les patrons de chaînes. Dans ces dirigeants, j’ai fait un certain nombre de choix parce qu’ils avaient aussi ce tropisme, ces capacités, je pense à Claude Esclatine à France Bleu que j’avais connu quand il était Président d’AlloCiné, pour moi, la question est celle de la stratégie de distribution numérique. Comment on distribue nos contenus en utilisant ces différents canaux de façon la plus large possible pour toucher le public ? Le produit éditorial doit être pensé en fonction de ces possibilités, c’est pour cela que le numérique doit être pensé au niveau des chaînes.
La DNM va penser innovation, faire des études, sur les nouveaux usages pour nous amener à nous positionner. Une DNM davantage tournée vers le développement informatique que le développement éditorial.

La SDJ : Pour le site (les sites) de France Bleu, on n’est pas dans la même situation concurrentielle, il y a un potentiel de développement énorme ? Il n’y a pas de cadre pour les rédactions, une technique déplorable, comment fait-on ?

FS : Que des bonnes questions ! A la fin du mois de septembre, on va ouvrir avec Claude Esclatine et une équipe resserrée une phase de réflexion sur France Bleu et ces aspects, jusqu’à la fin du mois de décembre. On pourra vous présenter une stratégie travaillée, élaborée.

MG : Pour France Bleu, on peut imaginer un site de services qui n’est pas le même que celui de France Inter parce qu’on est dans la proximité. Il faudra mobiliser le plus de moyens possibles pour la mobilité. La radio était le premier média mobile. Aujourd’hui, tous les médias sont mobiles grâce aux smartphones. Mais il ne faut pas qu’on perde cet avantage là et qu’on enrichisse notre offre en mobilité. Et ça ne peut pas être que du podcast et de l’écoute en live. Et pour France Bleu, il y a forcément la question de la géolocalisation qui se pose pour tout un tas de services de proximité. On a déjà pris du retard. Quand j’ai écrit mon projet, je me suis dit mais pourquoi on ne positionnerait pas France Bleu fortement sur le covoiturage, le temps qu’on y arrive, vous avez déjà des pure players, vous avez la SNCF qui essaie de se mettre là-dessus. On aurait pu développer une « mini-app » sur les 44 France Bleu sur le covoiturage, on avait un truc génial.

La SDJ : Comment faire tout cela à effectif constant ?

MG : Moi, ce qui est sûr, c’est que les effectifs, je ne les attrape pas dans les arbres.

FS : Les forces éditoriales rejoignent les chaînes. Après : par quoi on veut enrichir ? Avant de se mettre des objectifs avec la barre très haute de production éditoriale avec des moyens qu’on n’a pas, il faut savoir où on met le curseur, entre cet enrichissement éditorial et entre ce qui fonctionne le mieux, c'est-à-dire le podcast et la création de vidéos, tout ça c’est possible. Donc il n’est pas question de doubler votre charge de travail en vous disant maintenant il va falloir un site extrêmement écrit, ce n’est pas le sujet. C’est savoir quel est notre capacité à produire, notre potentiel, comment l’utilliser au mieux et le traduire au mieux dans cette démarche numérique qui va devenir beaucoup plus vidéo et là il n’y a pas un travail de réécriture spécifique.

MG : Cette question va nous permettre d’élargir notre public, de rajeunir notre public. Cela passe par là. On a eu une étude lundi en comité de direction sur les 12 dernières années (2002-2014). La population française vieillit. Le média Radio a vieilli davantage que la population. Et Radio France encore plus. Pour une raison simple aussi, c’est qu’on n’a pas de chaîne musicale jeune (Skyrock, Fun…). Et mon projet pour Le Mouv’ ce n’est pas d’en faire çà. C’est un enjeu pour nous. Quand vous voyez que l’âge médian à France Musique est de 68 ans, sur Inter autour de 56/57, ça doit tous nous interpeller.

Nous avons ensuite rappelé notre souhait d’un encadrement de la publicité sur nos sites internet.

La SDJ : La règle qui vaut pour le « broadcast » est peut-être un peu exigeante mais il n’existe aucune régulation pour ce qui apparaît sur nos sites internet. Que pensez-vous d’un monde sans règles ?

MG : Si c’est pour me dire un monde sans pub, oubliez !

La SDJ : on trouve que parfois ça envahit nos sites qui sont le support de notre production éditoriale.

MG : Il n’y a pas de « pre-roll ». Il ne faut pas non plus s’en interdire.

FS : Le développement de nos ressources propres est capable.

MG : Franchement, il faut que tous on soit bien conscients, on ne va pas avoir de l’argent comme on en a eu pendant trente ou quarante ans.



La SDJ : De nouvelles ressources, mais encadrées proprement ?

MG : On ne va pas faire de la pub pour Gazprom, non plus… Mais on ne va pas pouvoir se passer d’aller chercher des ressources par nous-mêmes, mais ça ne veut pas dire, vendre notre âme au diable. Autre sujet.

Nous ne serons pas entendus.
Nous choisissons de faire un focus sur France Bleu et ces rappels de titres toutes les 10 minutes en matinales qui sèment la pagaille dans l’organisation des rédactions avec souvent comme conséquence moins de reporters sur le terrain.

FS : Il y a plusieurs cas. Il y a les grandes villes où tout cela s’applique assez facilement et puis il y a les villes moyennes ou des villes petites où c’est beaucoup plus complexe. Je crois que Claude Esclatine a mis beaucoup plus de souplesse dans le discours qui jusque là était un peu catégorique. Ces rappels de titres peuvent être autre chose que des rappels de titres. Ensuite il est évident que l’actualité dans une grande ville et dans une petite ville, ça ne se renouvelle pas au même rythme. Je vous parlais tout à l’heure de ce travail que nous allons mener d’ici la fin de l’année avec les équipes dirigeantes de France Bleu pour réaborder tous ces sujets. Comment on peut évoluer là aussi à moyens constants parce que malheureusement c’est une contrainte qu’on a absolument. Les conclusions de ces travaux, on vous les donnera à la fin de l’année. On est sensible à ce sujet et à son corollaire, on demande en parallèle de développer le web toujours avec les mêmes moyens. Il y a un travail d’organisation.

MG : … et un peu fin. Parce qu’effectivement, entre France Bleu Périgord où j’étais il n’y a pas si longtemps et France Bleu à Montpellier, il n’y a pas le même rythme d’actualité.

La SDJ : Oui, il n’y a pas besoin d’une telle densité de rendez-vous d’infos.

MG : c’est vrai, même d’un point de vue éditorial, ça se discute.

FS : On sait, on va travailler cela. Claude Esclatine a déjà visité trente France Bleu. Mathieu et moi avons été à Bordeaux, on a vu l’exemplarité d’une matinale formidable. Ce principe conçu par Claude Perrier, ça peut marcher très bien. Après une application monolithique et c’est comme çà partout, non, c’est complexe.

MG : Oui, il y a des réalités qui sont très différentes.

FS : On veut travailler et revenir vers vous avec quelque chose de concret à dire, avec des propositions, pour que ça évolue et qu’on puisse avoir une politique adaptative suivant les réalités locales ou régionales.

La SDJ : Quid du maillage territorial ?

FS : Les questions des micro-locales, des BRI (Bureaux Régionaux d’Information), des Reporters En Résidence, on va aborder tout ça avant la fin de l’année. Mais on peut déjà vous dire les BRI, ce n’est pas satisfaisant. Il va falloir travailler le dossier et avoir le courage de dire « Stop ». Il faut un vrai plan, on ne peut pas dire, on arrête et c’est ce plan qu’on va travailler d’ici la fin de l’année.

MG : il y a le cas de Lyon qui est très complexe pour des contraintes de fréquences. Il y a le cas de la région Midi-Pyrénées où en dehors de Toulouse, c’est le désert français. Il y a là un travail de service public.

Nous souhaitons évoquer Le Mouv’ dont on attend le nouveau projet pour janvier 2015. Quid en matière d’info sur cette chaîne.

MG : Le Mouv’ doit redevenir une chaîne majoritairement musicale. Le « France Inter du jeune » voire « du djeun’s » je n’y crois pas. France Inter doit arriver à parler aux jeunes, je crois que c’est çà le sujet. Mais Le Mouv’ n’a jamais aussi bien marché que quand il était une radio à dominante musicale avec sa spécificité. Je dis, on ne va pas faire ce que le secteur privé commercial fait. Ces dernières années, il y a eu une errance. Quand vous regardez Le Mouv’, plus on a mis de moyens dedans, plus l’audience s’est effondrée. Donc Bruno Laforesterie travaille pour la fin de l’année sur une refonte complète du Mouv’ et sur les moments-clé de la journée (matin et fin de journée), c’est là plutôt que les forces de la rédaction seront utilisées. Comment on apporte un regard sur l’actualité qui est différent sinon il vaut mieux prendre des flashs faits par d’autres. Moi, je veux une radio qui correspond aux cultures urbaines. On a fait beaucoup d’études. Frédéric Schlesinger y a contribué. Bruno Laforesterie nous a remis un premier rapport que je trouve vraiment très convaincant.

FS : L’info traditionnelle telle qu’elle peut exister avec le flash à l’heure, etc. ce n’est plus comme cela qu’elle sera pensée. La rédaction aura un rôle à part entière au moment des prime-time, avec vraisemblablement des petits rappels de titres. La rédaction aura une vraie importance. Dans les projets avancés aujourd’hui, il n’y a pas de disparition de la rédaction de quelque façon que ce soit. On ne va pas demander à la rédaction d’aller faire des libre-antennes. Mais plutôt d’aller faire du reportage. C’est une forme que Bruno Laforesterie est en train d’aboutir. Mais la rédaction sera totalement importante. A une autre époque, il y avait de l’info différemment que sur les autres radios musicales ou radios généralistes, à une époque où Le Mouv’ fonctionnait bien, je pense notamment à ce « Buzz’ du Mouv’ » qui durait 40 minutes à 13h, on ne va pas du tout refaire çà, mais on va trouver une inscription de l’information dans ce nouveau projet mais l’information aura néanmoins de l’importance bien évidemment. Il n’y a pas de suppression de la rédaction du Mouv’, pas de fantasmes autour de çà ! En 10 ans, les fréquences ont été multipliées par 2, le budget a été multiplié par 2, les audiences ont été divisées par 2 ou par 3 ! Ce que Mathieu Gallet a demandé à Bruno Laforesterie d’inventer, c’est un objet radiophonique original, disruptif, différent…

MG : … mais qui touche une cible, et la cible est en complémentarité des autres antennes de Radio France.

FS : 13-34 ans, la cible. La difficulté étant de mêler ces deux générations mais on pense savoir comment faire. Et Bruno Laforesterie avec la radio Générations est quand même un spécialiste de ce type de démarche. C’est bien ce qui se passe pour Le Mouv’. N’importe qui aurait fermé Le Mouv’. N’importe quel raisonnement rationnel, on dit Stop, ça coûte cher.

MG : 16 millions d’euros.

FS : Et ça ne touche personne.

L’entretien se termine. Nous ajoutons un dernier mot pour les journalistes précaires « mal traités ». Nous relayons l’une de leurs préoccupations : une meilleure gestion du « planning » avec deux personnes au lieu d’une pour gérer plus d’une centaine de carrières et éviter l’arbitraire. Nous disons que cette personne ne convient pas ou ne suffit pas. Mathieu Gallet et Frédéric Schlesinger prennent note. Nous espérons, pour nos confrères, que le message est passé.

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